Les seniors dans le sport (8/9), Agnès Van Obberghen (92 ans) bat encore des records du monde en natation : “Ce sport a fait beaucoup pour ma santé”
La Bruxelloise Agnès Van Obberghen, figure respectée de la natation belge, se voit continuer à nager le plus longtemps possible.
- Publié le 28-03-2024 à 14h02
- Mis à jour le 28-03-2024 à 17h20
Dans le milieu de la natation belge, elle est considérée à raison comme un véritable phénomène. À 92 ans, avec l’enthousiasme d’une jeune sportive, Agnès Van Obberghen continue à promener son dynamisme et sa vitalité d’une piscine à l’autre, de compétition en compétition, avec des performances qui suscitent l’admiration.
En témoignent les onze records du monde individuels, répartis entre petit (25 m) et grand bassin (50 m), que détient toujours cette grande spécialiste de la brasse dans deux catégories d’âge différentes (85-89 ans et 90-94 ans).
”J’ai remporté tellement de médailles, en Belgique et à l’étranger que je ne pourrais pas toutes les exposer chez moi”, nous dit-elle en allant chercher deux grandes boîtes à l’arrière de son appartement de Neder-Over-Heembeek, avant d’étaler quantité de récompenses et de photos souvenirs sur la table de la salle à manger. “Tout cela prend vite de la place. Et, surtout, je suis plus attachée aux souvenirs liés à ces bons moments qu’aux objets reçus à ces occasions.”
Millau, une première
Une médaille, datée de 2003, retient pourtant son attention. “Celle-ci, je l’ai remportée lors de ma toute première participation aux championnats d’Europe pour les masters à Millau, reprend la Bruxelloise. J’ai pris la deuxième place derrière mon amie Eliane Pellis et j’ai tout de suite vu que certaines nageuses se demandaient ce que je venais bien faire sur ce podium où elles avaient place habituellement (sourire).”
C’était la première médaille internationale d’une longue série pour Agnès Van Obberghen, qui a effectué quelques beaux voyages pour représenter la Belgique aux quatre coins du monde.
”Les championnats du monde m’ont notamment conduite à Perth, en Australie, en 2008, se souvient-elle. Là-bas j’ai nagé le 200 m et j’avais le record du monde. Cela reste un très beau souvenir ! On a fait de beaux résultats et on s’est aussi un peu baladé pendant les quelques jours passés sur place. Je me souviens de ce beau sable blanc…”
De la natation dès neuf ans
Si on lui avait dit enfant qu’elle allait faire de ce sport une passion qui allait la guider au-delà de ses 90 printemps, Agnès Van Obberghen ne l’aurait probablement pas cru. Comment, au fait, est-elle arrivée dans le milieu aquatique ?
Plus jeune, je n’ai jamais rêvé des JO : je ne savais même pas qu’il y avait des championnats du monde et d’Europe !
”Dès l’âge de neuf ans, j’ai commencé à aller aux bains à Vilvorde, où j’habitais mais j’ai vraiment bien nagé à partir de mes quatorze ans, raconte notre interlocutrice. Le médecin de famille avait dit à mes parents que mon frère était tellement maigre qu’il devait faire du sport. Il a commencé la natation avec mes parents et quand je les voyais partir, je courais après eux en pleurant. Alors ils m’ont inscrite aussi. (sourire) Et, finalement, j’ai nagé avant lui ! Mais dans ma jeunesse je n’ai jamais rêvé des Jeux olympiques : je ne connaissais que les petits clubs, je ne savais même pas qu’il y avait des championnats du monde ou des championnats d’Europe.”
Quelques années plus tard, Agnès Van Obberghen s’inscrira au cercle de natation de Bruxelles puis se dirigera vers Schaerbeek.
”La journée, je travaillais en tant que comptable et j’allais m’entraîner après mes heures, reprend Agnès. Je nageais toujours aux championnats de Belgique avec les jeunes. Un jour, quelqu’un m’a dit : mais pourquoi tu ne nages pas avec les masters ? C’était à partir de 24 ans : j’ai donc changé de catégorie.”
C’est aussi à Schaerbeek qu’elle rencontrera son futur mari, Gaston Bandelin, qui a lui-même été très longtemps actif au comité du Brabant. “Suite au mariage, j’ai arrêté la natation pendant une longue période. Et j’ai repris quelque temps après son décès.”
Ses affinités avec la brasse sont vite revenues à la surface et les succès internationaux se sont alors multipliés pour la nageuse partie s’entraîner à Anvers. “Mais j’ai aussi d’autres qualités. En 2017 par exemple, à Budapest, je me suis inscrite au 50 m crawl et je suis devenue championne du monde !”
En 2018, Agnès Van Obberghen pensait que quelques problèmes de santé allaient mettre un terme définitif à son parcours. Ils allaient, au contraire, marquer étonnamment le début d’une… troisième carrière à partir de septembre 2022.
”Mon médecin ne voulait pas d’une opération : il m’a conseillé de nager et finalement le nerf douloureux au niveau de ma prothèse s’est décoincé”, indique la championne masters, désormais inscrite au CNSW à Woluwe Saint-Pierre.
Une activité sportive et sociale
La natation est aujourd’hui pour elle une activité aussi sportive que sociale. “Ce sport a fait beaucoup pour ma santé et pour mon moral. C’est vrai, il n’y a plus grand monde qui nage après 80 ans mais moi ça me plaît. Je vois du monde, les gens me connaissent et me parlent. Et les membres du club m’accompagnent pour les compétitions”, détaille Van Obberghen, qui s’est elle-même investie auprès du Boas afin d’apporter son expérience à de jeunes handicapés. “Je leur montrais comment il fallait nager, je leur donnais des conseils techniques, etc. Mais avec l’âge cela devenait difficile.”
J'en vois dans les autres couloirs tirer sur leurs bras mais ils finissent quand même derrière moi. Ça m’amuse !
Plus globalement, que pensent les jeunes d’elle ? “Il faudrait leur demander mais je crois que je montre encore un certain exemple. Parfois, j’en vois aussi dans les autres couloirs, même des hommes qui essaient de me suivre; je les vois tirer sur leurs bras mais ils finissent quand même derrière moi. Ça m’amuse ! Je vieillis évidemment mais je suis encore en bonne forme.”
Les félicitations de Fanny Lecluyse
À tel point que cette emblématique nageuse belge continue à battre des records du monde de sa catégorie.
”En 2022, j’avais battu les records en grand bassin de la Russe Olga Kokorina à Charleroi mais ils ont rentré les chronos trop tard à la fédération internationale. Quoi qu’il en soit, je m’y suis attaquée à nouveau à Courtrai en novembre dernier et sur le 50 m (59.40) et le 100 m brasse (2.14.49), j’ai encore fait un meilleur temps ! Ce qui m’a valu les félicitations de la finaliste olympique Fanny Lecluyse. Il y avait une belle ambiance, tout le monde était derrière moi. Une autre fois, à Embourg, j’avais aussi battu des records du monde en petit bassin mais ils n’ont pas été acceptés parce qu’il n’y avait pas de chronométrage électronique. Le comble, c’est que la fédération européenne a, elle, tout accepté. C’est officiel, j’ai même reçu les diplômes.”
Ces performances de valeur mondiale ne rapportent, par ailleurs, aucune prime à Agnès Van Obberghen.
”Je reçois une médaille, un diplôme et un beau bouquet. Mais c’est la première année, à 90 ans passés, qu’on commence à me donner des fleurs”, rigole cette sportive atypique qui doit même payer son inscription aux courses qu’elle dispute. “Quand on entend tout ce que les footballeurs gagnent… Et nous pour aller nager, on doit payer ! Les voyages aussi, d’ailleurs, je dois les financer.”
Le poids des années n’affecte en tout cas pas le moral de la championne bruxelloise qui s’entraîne encore deux fois par semaine avec son amie Françoise.
”Nous formions ‘le couloir des 150’ : elle à 60 ans et moi à 90. Enfin, maintenant, ça fait un peu plus, rigole Agnès. Combien d’années vais-je encore nager ? Je nagerai tant que je vis ! En compétition, on doit m’aider à monter sur le plot de départ car je ne sais plus faire. Mais une fois dans l’eau, j’avance encore bien !”
Ses onze records du monde
- Grand bassin
(85-89 ans)
50 m brasse : 51.83 (2016)
100 m brasse : 1.54.96 (2016)
200 m brasse : 4.18.23 (2016)
(90-94 ans)
50 m brasse : 59.40 (2023)
100 m brasse : 2.14.49 (2023)
200 m brasse : 4.53.93 (2023)
- Petit bassin
(85-89 ans)
50 m brasse : 52.17 (2016)
100 m brasse : 1.56.68 (2016)
200 m brasse : 4.17.34 (2016)
(90-94 ans)
50 m brasse : 59.04 (2023)
100 m brasse : 2.13.42 (2023)